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6 août 2009 4 06 /08 /août /2009 10:43

LE DEMON DE LA CHAIR ( 1946-THE STRANGE WOMAN)

Réal: Edgar George Ulmer , Scé.: Herb Meadows , d’après le roman de Ben Ames Williams , Ph.: Lucien Andriot , Mus.: Carmen Dragon , Dist.: United Artists , Prod.: Jack Chertok
Avec:Hedy Lamarr , George Sanders , Louis Hayward , Gene Lockhart , Hillary Brooke
Ulmer, pestiféré des grands studios qui s’en accommode très bien, préférant garder son indépendance est devenu un cinéaste culte : spécialiste de petites séries B et productions ultra fauchées pas toujours sauvées par son talent. Citons ses titres de noblesse : le polar fataliste avec DETOUR, le western des minorités avec LE BANDIT et ce DEMON DE LA CHAIR avec sa femme fatale du XIXe siècle.

Notre réalisateur maudit n’est plus ici au volant d’une 2 CV mais d’une Rolls Royces digne de son talent expressionniste. Qu’on lui donne les moyens et le résultat sur l’écran se voit !

LE DEMON DE LA CHAIR s’est le film Romantique en costumes perverti par les codes du film noir. La beauté sulfureuse d’Hedy Lamarr est tout indiquée pour traverser ces zones d’ombres. L’idée de génie est que son personnage Jenny manipule, dupe et trompe son monde en se faisant passer pour une âme charitable. En donnant beaucoup d’elle-même , elle sert ses propres intérêts. Elle séduit les hommes riches comme par maléfice et envoûtement. C’est un démon déguisé en ange.

Mais contrairement à l’affiche du film où son visage est d’un côté clair, l’autre obscur , sur la pellicule se trouve point de caricature. La frontière entre le bien et le mal est bien plus invisible en réalité. La force de la mise en scène d’Ulmer est de rendre ces clairs-obscurs complexes de l’âme humaine limpide et lumineux. A la seconde près, le spectateur comprend les plans machiavéliques qui se trament dans l’esprit habité de Jenny. Après avoir séduit le père, riche notable de la ville elle se met en tête de posséder le fils. Alors elle fait l’obscurité dans la pièce pour n’allumer qu’une simple bougie et lui « éclairer le chemin » jusqu’à sa chambre. Elle qui se faisait fouetter par son alcoolique de père gardant un sourire lubrique pendant un instant, excite le fils de son mari en lui évoquant ses relations avec les prostituées. Puis s’efface, arrivés au bout de l’escalier le laissant en suspens. Quelques scènes plus tard, de nouveau, avant de lui intimer l’ordre carrément de tuer son père, elle fait l’obscurité en éteignant seulement deux bougies sur trois du chandelier. La flamme restante renvoyant à la scène précédemment évoquée.

Elle indique le chemin aux hommes non pas pour les éclairer mais pour les laisser dans l’obscurité : les empêcher de réfléchir pour mieux profiter d’eux quitte à patauger dans la boue de sa conscience .

Certes, elle sème le mal autour d’elle mais on la sent aussi sincère. Lorsqu’elle force la main de son mari et des notables de la ville pour faire un don à l’église, elle sait qu’elle mettra tout le monde dans sa poche mais le prêche du prêtre a touché sa corde sensible : une profonde compassion pour son père victime de l’alcoolisme. Arrivée en haut de l’échelle sociale, elle reste aussi fidèle à son amie prostituée la protégeant lors de coups dures. Ayant une haute estime d’elle car jugée non hypocrite et pure.

Si Jenny est une prédatrice, c’est aussi une victime comme eux. Ses proies qui se targuent d’être l’élite de la société n’en sont pas moins pétries de névroses et de défauts accablants. Son mari est avare et manipulateur. Son beau fils faible et lâche. La fiancée évincée complètement effacée. Seul, le personnage de Georges Sanders semble voir clair mais ne peut agir à cause de son amour et de son hypocrisie.

Au retour du sermon du prédicateur, Jenny se trouve pris dans la tourmente des remords de sa conscience. De retour chez elle, elle se met à allumer les lumières comme pour effacer toutes les zones d’ombre de sa personnalité. Elle est horrifiée par sa condition humaine où la vie est assimilée à l’enfer tandis que Sanders lui répond imbue de lui-même et de son statut social que le monde qu’elle décrit est celui des morts.

Cette critique sociale sous-jacente finit de faire vaciller la flamme de ces âmes humaines fragiles et sans pitié. (existe en DVD)

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