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8 octobre 2018 1 08 /10 /octobre /2018 10:39

Cash cache dans le noir

Thriller horrifique habile et malin qui dresse un rapide portrait psychologique et social de trois jeunes avant d'entrer dans le vif du sujet ; c'est-à-dire la maison qu'ils veulent cambrioler. 
Le propriétaire, vétéran aveugle, dernier résidant d'un quartier abandonné de Détroit veille, seul, sur son magot. Du cash qui se cache quelque part. L'aubaine est trop belle et ne laisse aucune place à l'amoralité de la situation. 
Bien entendu, l'infraction ne se passe pas comme prévu, cinéma de genre oblige. On ne pénètre pas impunément dans l'antre obscur de l'inconnu. 
Pourtant rien n’est convenu. Le scénario ne cesse de nous surprendre avec brio et nous entraîne plus profondément dans les tréfonds secrets de la maison. La terreur aveugle est un esprit dérangé qui, dans l'obscurité, nous frôle, se saisit de nous pour ne plus nous lâcher. Impossible de lui échapper, de sortir de cet enfer clos où l'on retient son souffle pour ne pas nous entendre respirer.
Ici, pas de surenchère d'hémoglobine rouge vif, mais des giclées de rebondissements psychologiques dans le noir qui attribuent au film une interdiction au moins de 16 ans.

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 19:29
DANS LA GUEULE DU LOUP (1951-THE MOB)
 
The_Mob_1951_still.jpgRéal:Robert Parrish, Scé : William Bowers, d'après le roman « Waterfront »de Ferguson Findley, Ph : Joseph Walker, Mus : George Duning, Prod : Jerry Bresler, Dist : Columbia Pictures, 87 mn, N&B
 
Avec : Broderick Crawford, Betty Buehler, Richard Kiley, Neville Brand, Ernest Borgnine, Otto Hulett
 
Le sujet du flic infiltré peut constituer à lui seul un genre que le polar s'empresse de s'approprier. À ce petit jeu de celui qui sera le plus rusé, The mob de Robert Parrish assure pour distribuer les cartes et miser sur un suspense grandissant.
L'oscarisé Broderick Crawford joue l'inspecteur Johnny Damico que ses supérieurs jettent dans la gueule du loup : le syndicat des dockers mis au pas par la mafia. Le scénario de William Bowers est riche en trouvailles et personnages de seconds couteaux bien plantés dans l'intrigue.
La Première originalité consiste à infiltrer ce milieu des dockers sans connaître le chef du gang qui tire toutes les ficelles. Le but étant de le débusquer et de le faire tomber, lui et ses marionnettes corrompues.
Le personnage de Crawford, censé être originaire de La Nouvelle-Orléans, se plait à jouer les dures pour se faire accepter et aime commander au bar un verre de vin blanc et de bière en même temps. Les répliques cinglantes et pleines d'humour lui sont servies sur un plateau par un William Bowers au dialogue percutant. Percutants sont aussi les coups de poing, le scénario nous gratifiant d'une violente bagarre très réaliste entre Crawford et l'homme de main idéal du cinéma hollywoodien, j'ai nommé Neville Brand à la gueule inoubliable. Dans la catégorie poids lourd qui en impose, nous avons droit également, excusez du peu, à l'expéditif Ernest Borgnine qui semble être le chef mafieux tant recherché.
The mob s'avère donc être un film très réussi qui mériterait d'être cité bien avant certains classiques hollywoodiens surestimés. Des scènes marquantes comme l'interrogatoire sadique où le suspect est obligé d'appuyer tout le poids de son corps sur ses seuls index posés sur un mur, l'ingénieuse filature motorisée en pleine nuit qui échoue à cause de la malchance ou encore, le surprenant final à l'hôpital où le machiavélique chef de gang tire sa dernière carte démontrent les qualités indéniables d'un film qui gagne à être visionné.
(Actuellement sur TCM)
 
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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 18:23
UNE NUIT (2012)
Réal.: Philippe Lefebvre, Scé.: Simon Michael, Philippe Isard et Philippe Lefebvre, Ph.: Jérôme Almeras, Mus.: Olivier Florio, Prod.: Les Films Manuel Munz, Durée: 100 mn
19850630 jpg-b 1 D6D6D6-f jpg-q x-20111117 021325Avec: Roschdy Zem, Sara Forestier, Samuel Le Bihan, Grégory Fitoussi, Jean-Pierre Martins, Jean-Paul Muel, Sophie Broustal, Gérald Laroche, Richard Bohringer
On croyait le film noir mort à jamais. Philippe Lefebvre est peut-être le premier surpris, mais il vient tout simplement de le ressusciter. Sa volonté de plonger le spectateur dans le quotidien d'un flic de la mondaine s'avère une idée brillante qu'il parvient à transcender grâce à l'appui de ses deux scénaristes, ex-policiers. Ils apportent la matière, le cachet d'authenticité nécessaire pour rentrer dans l'univers cloaque et chic de la nuit parisienne. Le parti pris de suivre au plus près durant une nuit le commandant Weiss accentue ce réalisme et donne à la mise en scène son caractère de film noir qui existe par lui-même et non comme un simple hommage.
Car ici point de fusillades et de bastons qui n'en finissent plus de déjouer la vraisemblance. La démarche avouée n'est pas d'égaler le polar américain dopé à la testostérone. Les qualités d'un film comme NUIT BLANCHE de Frédéric Jardin se heurtaient ainsi à ses propres limites.
Au contraire, chez Lefebvre, la primauté est donnée aux relations humaines bafouées par la perversité du monde de la nuit. Un refus total de manichéisme, une absence de clichés caractérisent les rapports entre les personnages. Weiss (campé par le charismatique Roschdy Zem) est un bon flic, mais il est aussi corrompu. Et cette corruption, associée à l'amitié envers Garcia (Samuel Le Bihan en proprio de night-club), peut-elle résister à l'adversité?
Cette nuit parisienne qui donne son unité de temps et de lieu au film n'est pas banale dans la vie de Weiss, car elle sera la plus tendue et peut être la dernière. Ce soir-là, il a pour chauffeur et collègue Laurence Deray (Sara Forestier), une novice à laquelle le spectateur s'identifie en assistant médusé à la tournée du commandant Weiss dans les bars à putes, boîtes de nuit, cabarets transformistes et autres établissements chics et cloaques. Intimidation, chantage, menace, indic, violence sont les armes de ce dernier qui possède le pouvoir de fermer un night-club. Si bien que sa collègue ou le spectateur ne savent plus s'il est policier ou maffieux. Il franchit sans cesse la ligne rouge et reste sur ses gardes entre l'IGS qui le surveille et les coups tordus d'une bande de gangsters qui veulent s'emparer du pouvoir de la nuit. Il s'est accommodé des règles du milieu. Son boulot est de trouver un équilibre même si la police des polices est sur son dos. Le suspense va crescendo et cette nuit est peut-être celle de trop pour Weiss?
Ce personnage typique du film noir fume clope sur clope et boit trop de scotch dans un univers où mourir d'un cancer ou d'une cirrhose est moins probable que de finir une balle dans la tête. Où il faut dompter la faune bigarrée de la nuit: les videurs, les putes, les barmen, les serveuses, les travestis, les gays, les dealers, les hommes de main, les caïds. Au risque parfois de s'en faire des ennemis ou des amis. Au total, le personnage de l'avocat véreux n'obtient aucune faveur aux yeux des auteurs, car il est le seul à n'avoir aucun code d'honneur, plus habile à se servir du Code pénal pour garder les mains propres.
Dans cette jungle urbaine, Weiss déambule en voiture ou à pied sur les rues et les trottoirs mouillés d'un Paris illuminé. Un décor naturel à la fois familier et inconnu baigné de lumières artificielles s'offre alors à nous. Les néons des enseignes, les réverbères, les phares des véhicules sous la pluie font ressembler la capitale à l'enfer déguisé en paradis. Quand Weiss entre à l'intérieur de l'antre couleur vermeil de la capitale, le bar à putes embaume l'odeur de chatte et la sueur des mâles imprègne la boîte gay. Habitué des lieux, il s'immerge au plus profond de l'antre derrière une porte dérobée d'un night-club où une machine s'active à compter les billets sales.
Qu'il le veuille ou non, il fait partie de la faune de ce milieu obscur prêt à vous manger dans la main ou à vous la dévorer.
Dans les suppléments du DVD, le réalisateur très humble nous explique que l'atmosphère humide du film s'est imposée lorsque la pluie s'est mise à tomber durant la première scène. Climat qu'il fallut recréer pour la totalité du tournage. Il ne pouvait en être autrement. Il y a des évidences qui s'ordonnent naturellement quand la vision d'un auteur rencontre son sujet dans l'esprit et la forme.
UNE NUIT est une vraie perle noire cachée que l'on ne peut ignorer. Elle brille de toute son authenticité dans cette pléthore actuelle de polars et de séries policières. Son écrin singulier lui donne toute sa rareté.
 
 
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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 17:20

LE BALAFRÉ (1948-HOLLOW TRIUMPH / THE SCAR)

Réal.: Steve Sekely, Scé.: Daniel Fuchs, d’après le roman de Murray Forbes, Ph.: John Alton, Mus.: Sol Kaplan, Prod.: Paul Henreid, Bryan Foy, Dist.: Eagle-Lion Films, Durée: 83 mn, N&B

Avec: Paul Henreid, Joan Bennett, Eduard Franz, Leslie Brooks

8464Les éditions Wild Side Vidéo nous proposent une collection vintage classics parmi laquelle se trouve une rareté du film noir que tout amoureux du polar ne peut manquer. LE BALAFRÉ du hongrois Steve Sekely avait déjà eu le droit à une sortie chez Bach Films. On préférera cette nouvelle édition, certes sans bonus, mais avec une qualité d’image incomparable. Combien de pépites oubliées défigurées par le temps nous sont présentées avec une pellicule griffée, ponctuée d’atroces points blancs, enrobée d’un son crachoteux ? Sous couvert de nous les faire découvrir, les éditeurs en oublient qu’ils ne font que les desservir. Ici, la restauration est impeccable et le cinéphile n’a plus qu’à se mettre à table pour déguster savoureusement ce petit chef-d’œuvre méconnu.

Au royaume du film noir, on ne peut dissocier le fond de la forme. L’hommage est donc rendu au grand chef opérateur John Alton qui met les ombres en lumière tandis que le scénariste Daniel Fuchs tarde à couper le courant pour faire échouer le hold-up de ses personnages.

John Muller (Paul Henreid) intelligent et diplômé de psychanalyse est le chef de la bande. Pragmatique, il sait qu’il ne peut changer le monde. Alors, il décide de rester le même, de continuer de se servir sans penser une seule seconde à s’amender pour se réinsérer dans la société. Le casse du tripot échoue et ses complices se font exécuter. Pour garder la vie, il se voit contraint de fuir. Mais pour vaincre les coups du sort, notre malfrat cultivé et machiavélique a plus d’un tour dans son sac. Lorsqu’il se retrouve au pied du mur, une opportunité s’offre à lui. Un psychiatre renommé lui ressemble étrangement, excepté une cicatrice sur l’une des deux joues. Son plan : s’entailler le visage pour faire illusion, l’éliminer, prendre sa place et le tour est joué.

Paul Henreid n’a pas ici le second rôle. D’autant plus que L’acteur autrichien est aussi le producteur de ce petit polar hollywoodien très européen finalement. Son personnage cynique et désabusé séduit la secrétaire (Joan Bennett) sans illusion du Docteur Bartok. Juste faire-valoir de son patron marié, elle aime son sosie pour ce qu’il est. Mais l’homme doit bientôt la quitter pour vivre à Paris. Elle le retrouvera sans qu’elle le sache sous les traits du guindé docteur Bartok. À une balafre prés, l’acteur joue les deux rôles et se fond dans le moule de son double personnage pour semer le trouble. L’interprétation de qualité et les dialogues soignés jusqu’aux petits rôles accentuent cette impression de film bien torché. La scène du petit garagiste qui rêve de devenir danseur ou celle de la vieille ménagère qui remarque l’évidence que personne n’a vue restent par exemple en mémoire. LE BALAFRÉ est quasiment le seul titre de noblesse de Steve Sekely. Sa réalisation possède un sens aigu de l’espace, notamment dans le cabinet du psychiatre et une maîtrise parfaite de la litote qui sied aux faibles moyens financiers. L’ensemble ne prend pas une ride et passe haut la main l’épreuve du temps. Seul signe néfaste du temps passé : la cigarette de Paul Henreid omniprésente dans toutes les scènes. N’en déplaise aux adeptes de la défense de la santé publique ; nous, passionnés de polar, nous nous délectons de cette fumée délétère qui vagabonde. Ces bouffées empoisonnées pénètrent à l’intérieur des poumons, mais le destin est plus fatal et malsain qu’un cancer anodin. Aussi malin que vous soyez, il vous conduit à votre perte. Muller et Bartok ne font qu’un en apparence, mais sont-ils si différents ?

Une œuvre intelligente, donc qui résume à elle seule ce qu’est un film noir: « une quête involontaire et autodestructrice à la rencontre de son double. » Citation de Noël Simsolo dans son remarquable ouvrage sur le FILM NOIR aux éditions des cahiers du cinéma.

 

 

 

 

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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 20:03

ESTHER (2009-ORPHAN)

Réal: Jaume Collet-Serra, Scé.: David Johnson, d’après une histoire d’Alex Mace, Ph.: Jeff Cutter, Mus.: John Ottman, Prod.: Leonardo di Caprio, Joel Siver, Dist.: Warner Bros, Durée: 2h03

Avec: Vera Farmiga, Peter Sarsgaard, Isabelle Fuhrman, C.C.H Pounder, Jimmy Bennett, Margo Martindale, Karel Roden.

esther-16330-794335430.jpgAlors qu’AVATAR de Cameron est encore dans toutes les bouches, ESTHER n’a pas manqué d’arriver jusqu’à nos oreilles. Ce petit thriller horrifique rudement bien ficelé continue le sillon déjà tracé par Alejandro Amenábar. Ce passionné madrilène de cinéma de genre entraîne avec lui d’autres brillants cinéastes comme Jaume Balageró (LA SECTE SANS NOM), Juan Antonio Bayona (L’ORPHELINAT) et ici Jaume Collet-Serra. Dans ce domaine les espagnols cartonnent et les ricains ne s’y trompent pas pour faire des remakes de leurs films ou faire appel à eux pour réaliser des productions US. Cette vague de séries B dévaste tout sur son passage de l’autre côté des Pyrénées pour en faire presque oublier le génial Pedro Almodovar et sa «movida» madrilène.

Collet-Serra met tout en œuvre pour nous faire sursauter, il connaît les ficelles qu’il faut tirer au bon moment pour réussir à nous impressionner. Sa direction d’acteurs est irréprochable et tous sont impeccables: le père aveugle de ce qui se passe réellement et qui doute de sa femme, la mère fragile et combative, le fils aîné sceptique et dubitatif, la benjamine sourde muette terrorisée d’effroi de ne pouvoir dire ce qu’elle sait, la psychiatre à côté de la plaque, la mère supérieure sans instinct de l’orphelinat. Tous sont manipulés par l’enfant monstre qu’est ESTHER: jeune et géniale Isabelle Fuhrman qui vous fera passer l’envie d’adopter un enfant.

Collet-Serra prend son temps pour tendre ses ficelles sans jamais les rompre et insuffle une tension sourde et hallucinante. Comme dans ce genre de production, les lieux où se déroule l'action participent activement au suspense mise en place: l’orphelinat baigné de lumière, la maison luxueuse d’architecte , le bois et la cabane dans l’arbre, le lac gelé menaçant, le terrain de jeu avec ses balançoires et son toboggan sont les témoins de ce que personne n’arrive à comprendre à temps. Avec pour augmenter ce sentiment de claustrophobie cette neige « à la SHINING » qui ne cesse de tomber.

Mais la réussite du film tient surtout dans sa révélation finale qui nous plonge la tête dans l’eau glaciale. Les plus sceptiques des spectateurs qui s’attendent à ce que le château de cartes bien monté s’écroule vers la fin seront frustrés. L’édifice solide érigé par la mise en scène prend tout son sens avec ce dénouement machiavélique.

Le spectateur qui se croit plus malin que les personnages, lui aussi, ne la pas vu venir!

 

 

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6 août 2009 4 06 /08 /août /2009 10:43

LE DEMON DE LA CHAIR ( 1946-THE STRANGE WOMAN)

Réal: Edgar George Ulmer , Scé.: Herb Meadows , d’après le roman de Ben Ames Williams , Ph.: Lucien Andriot , Mus.: Carmen Dragon , Dist.: United Artists , Prod.: Jack Chertok
Avec:Hedy Lamarr , George Sanders , Louis Hayward , Gene Lockhart , Hillary Brooke
Ulmer, pestiféré des grands studios qui s’en accommode très bien, préférant garder son indépendance est devenu un cinéaste culte : spécialiste de petites séries B et productions ultra fauchées pas toujours sauvées par son talent. Citons ses titres de noblesse : le polar fataliste avec DETOUR, le western des minorités avec LE BANDIT et ce DEMON DE LA CHAIR avec sa femme fatale du XIXe siècle.

Notre réalisateur maudit n’est plus ici au volant d’une 2 CV mais d’une Rolls Royces digne de son talent expressionniste. Qu’on lui donne les moyens et le résultat sur l’écran se voit !

LE DEMON DE LA CHAIR s’est le film Romantique en costumes perverti par les codes du film noir. La beauté sulfureuse d’Hedy Lamarr est tout indiquée pour traverser ces zones d’ombres. L’idée de génie est que son personnage Jenny manipule, dupe et trompe son monde en se faisant passer pour une âme charitable. En donnant beaucoup d’elle-même , elle sert ses propres intérêts. Elle séduit les hommes riches comme par maléfice et envoûtement. C’est un démon déguisé en ange.

Mais contrairement à l’affiche du film où son visage est d’un côté clair, l’autre obscur , sur la pellicule se trouve point de caricature. La frontière entre le bien et le mal est bien plus invisible en réalité. La force de la mise en scène d’Ulmer est de rendre ces clairs-obscurs complexes de l’âme humaine limpide et lumineux. A la seconde près, le spectateur comprend les plans machiavéliques qui se trament dans l’esprit habité de Jenny. Après avoir séduit le père, riche notable de la ville elle se met en tête de posséder le fils. Alors elle fait l’obscurité dans la pièce pour n’allumer qu’une simple bougie et lui « éclairer le chemin » jusqu’à sa chambre. Elle qui se faisait fouetter par son alcoolique de père gardant un sourire lubrique pendant un instant, excite le fils de son mari en lui évoquant ses relations avec les prostituées. Puis s’efface, arrivés au bout de l’escalier le laissant en suspens. Quelques scènes plus tard, de nouveau, avant de lui intimer l’ordre carrément de tuer son père, elle fait l’obscurité en éteignant seulement deux bougies sur trois du chandelier. La flamme restante renvoyant à la scène précédemment évoquée.

Elle indique le chemin aux hommes non pas pour les éclairer mais pour les laisser dans l’obscurité : les empêcher de réfléchir pour mieux profiter d’eux quitte à patauger dans la boue de sa conscience .

Certes, elle sème le mal autour d’elle mais on la sent aussi sincère. Lorsqu’elle force la main de son mari et des notables de la ville pour faire un don à l’église, elle sait qu’elle mettra tout le monde dans sa poche mais le prêche du prêtre a touché sa corde sensible : une profonde compassion pour son père victime de l’alcoolisme. Arrivée en haut de l’échelle sociale, elle reste aussi fidèle à son amie prostituée la protégeant lors de coups dures. Ayant une haute estime d’elle car jugée non hypocrite et pure.

Si Jenny est une prédatrice, c’est aussi une victime comme eux. Ses proies qui se targuent d’être l’élite de la société n’en sont pas moins pétries de névroses et de défauts accablants. Son mari est avare et manipulateur. Son beau fils faible et lâche. La fiancée évincée complètement effacée. Seul, le personnage de Georges Sanders semble voir clair mais ne peut agir à cause de son amour et de son hypocrisie.

Au retour du sermon du prédicateur, Jenny se trouve pris dans la tourmente des remords de sa conscience. De retour chez elle, elle se met à allumer les lumières comme pour effacer toutes les zones d’ombre de sa personnalité. Elle est horrifiée par sa condition humaine où la vie est assimilée à l’enfer tandis que Sanders lui répond imbue de lui-même et de son statut social que le monde qu’elle décrit est celui des morts.

Cette critique sociale sous-jacente finit de faire vaciller la flamme de ces âmes humaines fragiles et sans pitié. (existe en DVD)

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22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 20:25

THE WEB (1947-LE TRAQUENARD)
Réal.: Michael Gordon , Scé.: William Bowers et Bertam Millhauser , d'après une histoire de Harry Kumitz , Ph.: Irving Glassberg , Mus.: Hans J. Salter , Dist.: Universal , Prod: Jerry Bresler
Avec: Ella Raines , Vincent Price , Edmond O'Brien , William Bendix

Les noms d'Ella Raines , Vincent Price , Edmond O'Brien , William Bendix s'inscrivent sur le générique . Il n'en faut pas plus pour attiser notre attention et nous jeter dans cette histoire comme un chercheur d'or à la recherche de la perle rare . Le film apparaît très vite comme une mécanique bien huilée et ne déçoit pas notre enthousiasme . La direction d'acteur de qualité et la mise en scène classique et soignée de Michael Gordon est un moteur qui ronronne sur la route sinueuse que lui fait suivre le scénario de William Bowers . Pas manchot du stylo , ce dernier entraîne le personnage d'Edmond O'Brien , naïf avocat dans la machiavélique toile tissé par Colby , un riche homme d'affaires joué par un Vincent Price a la hauteur de sa réputation de distingué et malin salopard . Il amène ses proies , amis d'hier , à se laisser prendre dans sa toile avec un sang froid et un jeu d'acteur digne des meilleurs manipulateurs .
Sa secrétaire , la dévouée Noel a les jolies traits de la mystérieuse Ella Raines . Son charme tranquille de ténébreuse brune est au top et opère à plein . Elle se partage entre ses deux hommes et on ne saura qu'à la fin de qui elle est réellement l'alliée . Après nous avoir fait craquer dans PHANTOM LADY en 1944 et IMPACT en 1949 , cette superbe actrice a une nouvelle fois la très grande classe des femmes les plus fatales du film noir .
Celles qui vous obsèdent et vous entraînent , soit à votre perte soit à vous surpasser .
Mais celui qui tire les ficelles est bien le scénariste à qui nous devons ici rendre hommage . Colby étant une digne métaphore des auteurs Hollywoodiens , les autres personnages n'existant qu'à travers les complots qui les accablent . Plus encore qu'un scénariste Colby est l'image même du producteur Hollywoodien influent qui possède l'argent et indique la direction fatale à suivre .

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11 février 2009 3 11 /02 /février /2009 14:21

L'ANGE NOIR (1946 - BLACK ANGEL)
Réal.: Roy William Neill , Scé.: Roy Chanslor , D'après une nouvelle de William Irish , Ph.: Paul Ivano , Mus.: Frank Skinner , Prod.: Tom Mc Knight , Dist.: Universal , Durée: 80 mn 
Avec : Dan Duryea , June Vincent , Peter Lorre , Broderick Crawford , Constance Dowling , Wallace Ford , Hobart Cavanaugh , Freddie Steele , Ben Bard , Junius Matthews , John Phillips 
  

 Petits spectateurs prétentieux du XXI ème Siècle , vous croyez qu' une enquête policière classique de 1946 ne vous surprendra pas . Vous vous dîtes : «  Depuis le temps , on connaît la musique! » D'abord , ce n'est pas un policier mais un film noir adapté d'une nouvelle de William Irish à qui l'on doit le chef-d'œuvre de Robert Siodmak : PHANTOM LADY .
Un film noir c'est quoi ? Pour faire court , c'est le cauchemar réel d'un névrosé tandis qu'un Policier , c'est une enquête de flic à l'eau de rose . Avec BLACK ANGEL ce qui vous apparaissez comme une enquête classique débouche sur une histoire originale et insolite aux reflets oniriques et glauques .
Dan Duryea, l'un des plus beaux salauds du cinéma est ici un pianiste de bar , amoureux éconduit , pathétique et alcoolique . Son inconscient nous mène sur une fausse piste lorsqu'il aide la femme d'un condamné à mort à innocenter son époux . Ce Personnage sympathique , sensible et humain fait naître en nous une profonde compassion alors qu'il s'avère être le véritable coupable . Le malaise est dans le film et le spectateur s'en sort avec une énorme gueule de bois d'avoir été si longtemps amnésique .
Roy William Neill en vieux briscard de la série B comme Arthur Ripley avec THE CHASE (L'EVADE) savent parfaitement retranscrire l'univers torturé et bancal de cet auteur qui s'accommode si bien aux petits budgets . On est au début du cycle noir et déjà les réalisateurs des studios connaissent la musique et en mettent plein la vue aux spectateurs . Un film à ne surtout pas oublier .
  

 

 

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4 octobre 2008 6 04 /10 /octobre /2008 10:28

BABY BOY FRANKIE (1961-BLAST OF SILENCE)
 Réal.: Allen Baron , Scé.: Allen Baron, Mel Davenport , Ph.: Merrill S Brody , Mus.: Meyer Kupferman , Dean Sheldon , Prod.: Magla Productions , Dist.: Ciné Classic , Durée: 77 mn 
a
vec: Allen Baron , Molly McCarthy , Larry Tucker , Peter Clame , Danny Mechan    

Les amateurs de film noir le savent bien . Le destin est une putain , capable de vous faire atteindre le septième ciel ou de vous laisser sur le trottoir . Comment expliquer qu'avec un tel premier film Allen Baron n'ait pas eu la chance de poursuivre sa carrière au cinéma au lieu de se mettre servilement au service de la petite lucarne ?
Un petit chef-d'œuvre qui sort enfin de l'obscurité comme son générique : une lumière au loin se rapproche. Nous sortons d'un tunnel alors qu'une voix off traînante et rocailleuse décrit la naissance de Frankie Bono , sa trajectoire vers la haine et la violence . Bienvenue à Manhattan , ses lumières et décorations de Noël, ses quartiers mouvants , sa population mobile où déambule notre tueur à gages avec comme seul compagnon sa solitude . Amateurs d'enquête policière , d'intrigue à rebondissements passez votre chemin . La voix off omniprésente et dérangeante de Lionel Stander (le fidèle Max de la série l'amour du risque) nous dresse le portrait complet de ce tueur professionnel . Son enfance et ses traumatismes , ses pensées et ses doutes , ses croyances et ses illusions dans une rédemption par l'amour .
Sa personnalité jusque dans sa psyché nous est dévoilée . Le spectateur se retrouve comme lui , mal dans sa peau et perturbé dans sa tête . Seul , effroyablement seul . Comme lui , il marche de long en large dans les rues de cette ville qui n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est photographiée en noir et blanc . Il suit sa future victime , un petit caïd d'une mafia de quartier . Il apprend à le haïr et connaître ses habitudes pour mieux le tuer au moment propice . Pour exécuter son contrat , qu'il sait être le dernier , il doit se procurer un calibre 38 et son silencieux .
Voilà le plus gros de l'intrigue réalisée sans moyen , combinant intelligemment l'imagerie des films noirs des années 40/50, sa mise en scène classique et un style réaliste et naturel très Nouvelle Vague . Quelque part entre Jean Pierre Melville et John Cassavetes . Une puissance visuelle admirée par Martin Scorsese .
D'ailleurs , Allen Baron qui interprète lui-même Frankie Bono a des allures avant la lettre de Robert De Niro dans TAXI DRIVER . La similitude du regard des deux cinéastes est frappante . Fortes sont les images comme ce long plan fixe d'une silhouette à l'horizon qui s'avance vers nous . Celle de l'âme d'un tueur qui hante une ville encore endormie après s'être occupé du trop gourmand Big Ralph . Ou encore cette même silhouette paumée sur le toit d'un immeuble qui guette sa proie tel un ange du mal qui se prend pour Dieu , ayant droit de vie et de mort sur les hommes . Frankie Bono de Cleveland est un psychopathe qui s'ignore . Solitaire qui assassine sans état d'âme et simple quidam qui souffre de solitude . La musique Jazz incessante et ce chanteur qui martèle son conga résonne dans sa tête , l'entraînant vers sa fin inexorable dans un petit village de pêcheurs d'une puissance visuelle elle aussi troublante . (Existe en DVD) 
  

 

 

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20 septembre 2008 6 20 /09 /septembre /2008 17:47

HANGOVER SQUARE(1945)
Réal.: John Brahm , Scé.et adapt: Barre Lyndon , D'après le roman de Patrick Hamilton , Ph.: Joseph La Shelle , Mus.: Bernard Hermann , Prod et Dist.: 20th Century-Fox , Durée: 78 mn  

Avec: Laird Cregar , Linda Darnell , George Sanders , Glenn Langan , Faye Marlowe , Alan Napier  

L'un des fleurons jamais assez vanté du film de studio où John Brahm peut maîtriser tous les paramètres de sa mise en scène . Déjà il avait excellé avec ce qui est la meilleure adaptation de JACK L'EVENTREUR . A peine a-t-il quitté cette atmosphère lugubre de l'époque Victorienne , qu'il enchaîne avec la même équipe pour nous replonger dans son style chère à l'expressionnisme allemand.Il nous immerge avec délectation dans cette histoire de Patrick Hamilton , déjà à l'origine du très célèbre HANTISE de Georges Cukor . Laird Cregar est toujours aussi ambigu et tourmenté . Peter Lorre avait son M LE MAUDIT , Laird Cregar a son HANGOVER SQUARE avec sa stature imposante , sa voix douce , ses gestes fébriles , sa violence impulsive , son regard qui panique . Sa disparition avant la sortie du film causée par une succession de régimes trop stricts le rapproche non sans dérision de Georges Bone , un homme passionné en lutte contre lui-même où l'acteur rejoint le personnage qu'il interprète .
George Bone est un compositeur de talent souffrant d'amnésie . A chaque sortie de crises causées par une contrariété et un bruit discordant , il ne se souvient plus de ... ses crimes . D'un homme raffiné , il se transforme en bête sauvage sans en avoir conscience . On reconnaît là une variante du Docteur Jekill et Mr Hyde entre film noir et fantastique . En contactant le docteur Middleton (George Sanders) de Scotland Yard il cherche les preuves pour se disculper ou se condamner . C'est un innocent aux mains sales! Et lorsque le docteur lui explique qu'il peut guérir ses amnésies en abandonnant sa musique pour éviter le surmenage , on sait qu'il est perdu car on ne peut échapper à ce que l'on est .
Le concerto macabre peut commencer , composé par Bernard Herrmann il impose un tempo de génie à la caméra de Brahm qui met en lumière les zones les plus sombres de notre personnage tourmenté . Dès que la musique retentit lors du concert final , la caméra se met en mouvement pour clore en apothéose une virtuosité technique irréprochable . Elle nous rappelle qu'Hitchcock n'est pas le seul à faire naître le suspense sur la musique de celui qui deviendra son collaborateur attitré .
La photographie resplendissante d'HANGOVER SQUARE signée par Joseph La Shelle nous sort de l'ombre pour en dessiner d'autres sur les décors et costumes . Elle achève de donner au film ce raffinement , cette noirceur , cette fascination vénéneuse et morbide qui contamine le spectateur . (Actuellement sur CineCinemaClassic dans une copie qui rend hommage au travail du chef-opérateur malgré quelques points blancs et rares griffures .Une copie qui ne demande qu'à être restauré .)
 

 

 

 

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