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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 18:23
UNE NUIT (2012)
Réal.: Philippe Lefebvre, Scé.: Simon Michael, Philippe Isard et Philippe Lefebvre, Ph.: Jérôme Almeras, Mus.: Olivier Florio, Prod.: Les Films Manuel Munz, Durée: 100 mn
19850630 jpg-b 1 D6D6D6-f jpg-q x-20111117 021325Avec: Roschdy Zem, Sara Forestier, Samuel Le Bihan, Grégory Fitoussi, Jean-Pierre Martins, Jean-Paul Muel, Sophie Broustal, Gérald Laroche, Richard Bohringer
On croyait le film noir mort à jamais. Philippe Lefebvre est peut-être le premier surpris, mais il vient tout simplement de le ressusciter. Sa volonté de plonger le spectateur dans le quotidien d'un flic de la mondaine s'avère une idée brillante qu'il parvient à transcender grâce à l'appui de ses deux scénaristes, ex-policiers. Ils apportent la matière, le cachet d'authenticité nécessaire pour rentrer dans l'univers cloaque et chic de la nuit parisienne. Le parti pris de suivre au plus près durant une nuit le commandant Weiss accentue ce réalisme et donne à la mise en scène son caractère de film noir qui existe par lui-même et non comme un simple hommage.
Car ici point de fusillades et de bastons qui n'en finissent plus de déjouer la vraisemblance. La démarche avouée n'est pas d'égaler le polar américain dopé à la testostérone. Les qualités d'un film comme NUIT BLANCHE de Frédéric Jardin se heurtaient ainsi à ses propres limites.
Au contraire, chez Lefebvre, la primauté est donnée aux relations humaines bafouées par la perversité du monde de la nuit. Un refus total de manichéisme, une absence de clichés caractérisent les rapports entre les personnages. Weiss (campé par le charismatique Roschdy Zem) est un bon flic, mais il est aussi corrompu. Et cette corruption, associée à l'amitié envers Garcia (Samuel Le Bihan en proprio de night-club), peut-elle résister à l'adversité?
Cette nuit parisienne qui donne son unité de temps et de lieu au film n'est pas banale dans la vie de Weiss, car elle sera la plus tendue et peut être la dernière. Ce soir-là, il a pour chauffeur et collègue Laurence Deray (Sara Forestier), une novice à laquelle le spectateur s'identifie en assistant médusé à la tournée du commandant Weiss dans les bars à putes, boîtes de nuit, cabarets transformistes et autres établissements chics et cloaques. Intimidation, chantage, menace, indic, violence sont les armes de ce dernier qui possède le pouvoir de fermer un night-club. Si bien que sa collègue ou le spectateur ne savent plus s'il est policier ou maffieux. Il franchit sans cesse la ligne rouge et reste sur ses gardes entre l'IGS qui le surveille et les coups tordus d'une bande de gangsters qui veulent s'emparer du pouvoir de la nuit. Il s'est accommodé des règles du milieu. Son boulot est de trouver un équilibre même si la police des polices est sur son dos. Le suspense va crescendo et cette nuit est peut-être celle de trop pour Weiss?
Ce personnage typique du film noir fume clope sur clope et boit trop de scotch dans un univers où mourir d'un cancer ou d'une cirrhose est moins probable que de finir une balle dans la tête. Où il faut dompter la faune bigarrée de la nuit: les videurs, les putes, les barmen, les serveuses, les travestis, les gays, les dealers, les hommes de main, les caïds. Au risque parfois de s'en faire des ennemis ou des amis. Au total, le personnage de l'avocat véreux n'obtient aucune faveur aux yeux des auteurs, car il est le seul à n'avoir aucun code d'honneur, plus habile à se servir du Code pénal pour garder les mains propres.
Dans cette jungle urbaine, Weiss déambule en voiture ou à pied sur les rues et les trottoirs mouillés d'un Paris illuminé. Un décor naturel à la fois familier et inconnu baigné de lumières artificielles s'offre alors à nous. Les néons des enseignes, les réverbères, les phares des véhicules sous la pluie font ressembler la capitale à l'enfer déguisé en paradis. Quand Weiss entre à l'intérieur de l'antre couleur vermeil de la capitale, le bar à putes embaume l'odeur de chatte et la sueur des mâles imprègne la boîte gay. Habitué des lieux, il s'immerge au plus profond de l'antre derrière une porte dérobée d'un night-club où une machine s'active à compter les billets sales.
Qu'il le veuille ou non, il fait partie de la faune de ce milieu obscur prêt à vous manger dans la main ou à vous la dévorer.
Dans les suppléments du DVD, le réalisateur très humble nous explique que l'atmosphère humide du film s'est imposée lorsque la pluie s'est mise à tomber durant la première scène. Climat qu'il fallut recréer pour la totalité du tournage. Il ne pouvait en être autrement. Il y a des évidences qui s'ordonnent naturellement quand la vision d'un auteur rencontre son sujet dans l'esprit et la forme.
UNE NUIT est une vraie perle noire cachée que l'on ne peut ignorer. Elle brille de toute son authenticité dans cette pléthore actuelle de polars et de séries policières. Son écrin singulier lui donne toute sa rareté.
 
 
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