Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 17:20

LE BALAFRÉ (1948-HOLLOW TRIUMPH / THE SCAR)

Réal.: Steve Sekely, Scé.: Daniel Fuchs, d’après le roman de Murray Forbes, Ph.: John Alton, Mus.: Sol Kaplan, Prod.: Paul Henreid, Bryan Foy, Dist.: Eagle-Lion Films, Durée: 83 mn, N&B

Avec: Paul Henreid, Joan Bennett, Eduard Franz, Leslie Brooks

8464Les éditions Wild Side Vidéo nous proposent une collection vintage classics parmi laquelle se trouve une rareté du film noir que tout amoureux du polar ne peut manquer. LE BALAFRÉ du hongrois Steve Sekely avait déjà eu le droit à une sortie chez Bach Films. On préférera cette nouvelle édition, certes sans bonus, mais avec une qualité d’image incomparable. Combien de pépites oubliées défigurées par le temps nous sont présentées avec une pellicule griffée, ponctuée d’atroces points blancs, enrobée d’un son crachoteux ? Sous couvert de nous les faire découvrir, les éditeurs en oublient qu’ils ne font que les desservir. Ici, la restauration est impeccable et le cinéphile n’a plus qu’à se mettre à table pour déguster savoureusement ce petit chef-d’œuvre méconnu.

Au royaume du film noir, on ne peut dissocier le fond de la forme. L’hommage est donc rendu au grand chef opérateur John Alton qui met les ombres en lumière tandis que le scénariste Daniel Fuchs tarde à couper le courant pour faire échouer le hold-up de ses personnages.

John Muller (Paul Henreid) intelligent et diplômé de psychanalyse est le chef de la bande. Pragmatique, il sait qu’il ne peut changer le monde. Alors, il décide de rester le même, de continuer de se servir sans penser une seule seconde à s’amender pour se réinsérer dans la société. Le casse du tripot échoue et ses complices se font exécuter. Pour garder la vie, il se voit contraint de fuir. Mais pour vaincre les coups du sort, notre malfrat cultivé et machiavélique a plus d’un tour dans son sac. Lorsqu’il se retrouve au pied du mur, une opportunité s’offre à lui. Un psychiatre renommé lui ressemble étrangement, excepté une cicatrice sur l’une des deux joues. Son plan : s’entailler le visage pour faire illusion, l’éliminer, prendre sa place et le tour est joué.

Paul Henreid n’a pas ici le second rôle. D’autant plus que L’acteur autrichien est aussi le producteur de ce petit polar hollywoodien très européen finalement. Son personnage cynique et désabusé séduit la secrétaire (Joan Bennett) sans illusion du Docteur Bartok. Juste faire-valoir de son patron marié, elle aime son sosie pour ce qu’il est. Mais l’homme doit bientôt la quitter pour vivre à Paris. Elle le retrouvera sans qu’elle le sache sous les traits du guindé docteur Bartok. À une balafre prés, l’acteur joue les deux rôles et se fond dans le moule de son double personnage pour semer le trouble. L’interprétation de qualité et les dialogues soignés jusqu’aux petits rôles accentuent cette impression de film bien torché. La scène du petit garagiste qui rêve de devenir danseur ou celle de la vieille ménagère qui remarque l’évidence que personne n’a vue restent par exemple en mémoire. LE BALAFRÉ est quasiment le seul titre de noblesse de Steve Sekely. Sa réalisation possède un sens aigu de l’espace, notamment dans le cabinet du psychiatre et une maîtrise parfaite de la litote qui sied aux faibles moyens financiers. L’ensemble ne prend pas une ride et passe haut la main l’épreuve du temps. Seul signe néfaste du temps passé : la cigarette de Paul Henreid omniprésente dans toutes les scènes. N’en déplaise aux adeptes de la défense de la santé publique ; nous, passionnés de polar, nous nous délectons de cette fumée délétère qui vagabonde. Ces bouffées empoisonnées pénètrent à l’intérieur des poumons, mais le destin est plus fatal et malsain qu’un cancer anodin. Aussi malin que vous soyez, il vous conduit à votre perte. Muller et Bartok ne font qu’un en apparence, mais sont-ils si différents ?

Une œuvre intelligente, donc qui résume à elle seule ce qu’est un film noir: « une quête involontaire et autodestructrice à la rencontre de son double. » Citation de Noël Simsolo dans son remarquable ouvrage sur le FILM NOIR aux éditions des cahiers du cinéma.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires